Hommage à Norbert Pagé

L’eau et le feu, le ciel et la mer, le vent et la roche, l’homme et la matière …
Norbert Pagé est toujours en prise directe avec les éléments naturels, en phase avec cette Nature qu ‘il exprime si librement et si bien, avec puissance et poésie, dans une abstraction très singulière, à la fois ouverte et intime … et toujours très authentique. Une façon très forte et très personnelle de représenter la réalité.

Un abstrait particulièrement vivant où l’artiste donne libre cours à son imagination …et à la nôtre.

Dans les tableaux de Pagé – la grande majorité d’une saisissante beauté, depuis les grands espaces éthérés et balayés jusqu ‘aux moindres recoins étirés ou surlignés – l’abstrait  » Nature » prend corps via l’imagination et l’émotion constamment renouvelées. Ainsi les aplats ne sont jamais plats et la moindre anfructuosité côtoie avec bonheur les grands espaces.

La toile est trempée, lavée, coulée, parée de flous transpercés et de contours insaisissables imprégnés de rêve, imbibés de mystère. Elle baigne ainsi dans la mouvance d’une atmosphère presque Irréelle.

Des instants fugaces et changeants saisis au vol de leur spontanéité.

Magnifique équilibre entre dynamisme et sérénité – voix et silences, cris et chuchotements, mystère et révélation.

Tout est dosage et harmonie. On est dans le dit …et dans le non-dit.

Maître d’oeuvre et chef d’orchestre de sa symphonie picturale, Norbert Pagé voyage, chevauche le vent, surfe sur fa crête, flirte avec la flamme, le silex ou le tuffeau. vibre avec les saisons, s’arrête sur un nuage… s’abandonne dans l’instant, écoute le silence et les voix intérieures comme pour mieux communiquer et percer le mystère de la création.

Eclatement, force, mouvement, amplitude, relief, balayage, souci du vague et du détail, sensibilité palpitante, émotion, jaillissement et fusion, zébrures et ruisellements, déchirures ou fondus, passion et création… le tout brut de décoffrage, avec en prime la sérénité tranquille, généreuse et volontaire d’un solide gaillard Tourangeau.

Artiste-artisan, toujours influencé par les éléments naturels, Pagé ne se soucie pas des modes ni des genres. Il peint avec son coeur, sa personnalité, sa sensibilité. Il façonne les formes et les couleurs… à bras le corps.

Sa peinture tantôt s’étire en longs fïlets, tantôt raye les aplats denses ou fondus, elle brosse aussi les volumes, fluidifie ou solidifie les tracés, casse les courbes, ou bien encore estompe les drapés et les limites, ouvrant la porte au mouvement, au langage et à la pensée. En outre, autant que la peinture et son support, les tableaux de Pagé sont faits de mots… de titre qui se marient et fusionnent harmonieusement avec le tracé pictural, concrétisant encore l’abstraction originale, celle qui s’offre au premier regard.

Mais la porte n ‘est qu’entrouverte…, et le tableau garde une partie de son mystère, un voile d’immatérialité.

Dynamisme et sérénité
Oscillent entre rêve et réalité
Sans jamais tout départager

… La toile conserve en partie son secret.

Jean Pierre Asselinne